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La théorie du moineau

La théorie du moineau





En 2020. Nika mange des gâteaux dans une église et fait la connaissance de Jade, venue là pour se déstresser.

L'histoire

Dans un futur proche. Nika mange des gâteaux dans une église et fait la connaissance de Jade, venue là parce qu’un journal prétend que c’est bon pour les cheveux. Nika parle de Jérémie ; il ne va pas bien. Est-ce vraiment parce qu'il a eu, comme il le prétend, une soudaine conscience de l'univers qu'il a décidé de ne plus travailler et de vivre désormais dans son garage ? En tout cas, elle ne peut pas imaginer que ce soit parce qu'il ne l'aime plus. Pourtant, il est odieux avec elle ; il fait tout pour qu'elle s'en aille. Mais elle reste, en supportant sa révolte, ses provocations, ses délires de cyber-prophète de l'apocalypse. Et son père aussi, Philippe, le vieux docteur abusé par le jeunisme qui semble profiter de l'état de son fils pour s'incruster. Jade, lasse et désabusée, saisit cette occasion de se désennuyer et se laisse entraîner dans la folie de cet étrange trio.

La théorie du moineau est une comédie sociale où se mêlent le drame et l’humour et qui dénonce les conséquences d’une mécanique du rendement qui peut pousser quelquefois l’humain à nier l’humain, à nier la vie même.

Les représentations

Créée au Théâtre du Nord Ouest en 1998.
Mise en scène Virginie Dupressoir
Avec Gérard Darman, Bruno Dubois, Isabelle Hétier, Annie Milon.

La Presse

Article Théâtre Online

Hymne à l’amour
La Théorie du moineau au Théâtre du Nord-Ouest, jusqu’au 1er juin 2001.
Par Catherine Robert

Ce siècle qui commence est le moment privilégié de l’expression de tous les pessimismes. Dans un monde aux repères flous et aux valeurs vagues, une humanité en proie aux spasmes du cynisme désabusé tente de déterminer ce qui peut encore donner du sens à la vie. L’amour, peut-être, quand il est sincère et authentique. La Théorie du moineau, pièce écrite par Frédéric Sabrou et créée par la Compagnie des Albatros, montre que lorsque plus rien ne vaut, seul demeure ce qui s’offre, même si la mort finit par séparer les amants.

Les Théâtre présentées au Théâtre du Nord-Ouest cette saison sont regroupées autour d’un thème commun : « Quel avenir pour l’humanité ? ». La Théorie du moineau s’inscrit dans la perspective de cette question en interrogeant la possibilité d’un amour oblatif au cœur d’un monde égoïste et mercantile, où tout se vend et tout s’achète, à grands renforts de messages publicitaires polluant tout l’environnement, jusqu’à l’intérieur des églises. Dans une «ville de province» et «dans un futur proche », c’est-à-dire partout et presque aujourd’hui, deux femmes se retrouvent sur des prie-Dieu voisins. L’une est venue au calme pour tenter de ressaisir le sens de sa vie qui part en miettes et l’autre est entrée parce que prier est « déstressant et bon pour les cheveux »… D’emblée est établie l’opposition entre les deux femmes qui incarnent deux types de rapports à la vie.

La première, Nika, amoureuse d’un homme qui la répudie sans raison, apparaît naïve et douce face à la seconde, Jade, réaliste et désillusionnée, qui semble avoir fait le tour des hommes, des plaisirs et des surprises d’une vie dont elle n’attend plus rien et où elle s’ennuie. La lucidité de Jade semble a priori moins niaise que la foi inébranlable de Nika qui pense pouvoir sauver un homme devenu fou et un amour disparu. Mais peu à peu, les caractères deviennent plus complexes et la profondeur d’âme de Nika l’emporte sur la superficialité sensuelle de Jade. On apprend alors que Jérémie, le compagnon de la douce Nika, a décidé de rompre avec l’existence dorée que les deux jeunes tourtereaux gâtés menaient jusqu’alors dans le confort aseptisé de leur vie bourgeoise. Ils avaient tout et ce tout est devenu trop. Jérémie entre donc dans un désert intérieur où il n’a plus comme interlocuteur que Dieu et son père, Philippe, vieux beau qui entretient sa santé à grand renfort de pile cardiaque hyper-sophistiquée et de pilules miraculeuses. Jérémie va tout faire pour jeter Nika hors de sa vie et hors de sa maison, jusqu’à se précipiter dans les bras de Jade, qui se trouve être une amie de jeunesse et peut-être son premier amour. Mais la passion de Nika est trop forte et trop évidente pour qu’elle renonce et atteint d’un mal incurable et qu’il veut mourir en lui épargnant le spectacle de son agonie. Nika s’insurge, revient à la charge, et alors Jérémie s’enfuit par amour, pour sauver la beauté de ce qu’il a vécu avec sa femme.

Au fur et à mesure du dévoilement de l’intrigue, on comprend donc que les apparences sont éminemment trompeuses. Si Philippe joue l’égoïste joyeux, c’est par complicité avec son fils qu’il veut soutenir jusqu’au bout. Si Jérémie se cache dans son garage à l’abri du monde, c’est pour éviter de montrer sa déchéance. C’est par amour et dans le don de soi que vivent et résistent ces deux hommes. Ils sont donc comme Nika, fous d’amour, c’est-à-dire illuminés. Il est remarquable de noter combien cette pièce sombre et parfois grinçante fait surgir la lumière du désespoir. Le feu que la naïve Nika entretient jusqu’au bout de ses forces, les brandons de vie sur lesquels souffle le vieux Philippe, la braise mordante des propos de Jérémie sont les ultimes fanaux d’un monde perdu.

Plus rien n’a de sens autour des héros : les choses sont médiatisées par une publicité omniprésente et le contact est devenu superflu, même avec les objets puisque les appareils électroménagers sont commandés par la voix et ont acquis une presque autonomie. Jade campe la figure la plus aboutie d’une humanité pervertie. Elle refuse tout contact et tout engagement, ne croit à rien et se contente de plaire, c’est-à-dire d’attirer les regards des autres qu’elle ne veut pas voir, de peur peut-être de les aimer et d’avoir à en souffrir. Cette superbe plante lascive prend soin de son apparaître sans se rendre compte que c’est son être qui s’étiole à force d’indifférence aux autres. Jade est comme les moineaux, bel animal sans conscience dont le bonheur est illusoire. Nika, dont le bonheur est perdu, envie les moineaux et leur quiétude puisque sa conscience souffre du manque. Jérémie a mal également, de savoir ce qu’il va devoir abandonner et de ne bientôt plus pouvoir rien recevoir de celle qui lui donnait tout sans compter. Mais de leur douleur et du savoir de cette douleur renaît l’intensité de leur passion qui devient l’autel de leurs deux vies.

La Théorie du moineau, par-delà le récit de cet amour tragique, a donc une portée métaphysique des plus hautes. On comprend bien que la seule valeur qui demeure au cœur de l’insensé est la capacité qu’ont certains êtres de s’oublier pour l’autre. On retrouve ici la figure du Christ, qui est justement celui qui donna tout par amour, et ce n’est sans doute pas pour rien que Jérémie emprunte son prénom au prophète qui prêcha l’acceptation du désastre lors des déportations à Babylone. Dans cette pièce, Jérémie est celui qui annonce la fin du monde et la prépare même en mettant au point un virus informatique mortel, il est celui qui annonce en son corps contaminé la fin prochaine de la vie, il est celui qui prophétise et réclame la fin de sa relation avec Nika : Jérémie se fait le héraut de l’apocalypse. Mais en même temps, et dans un retournement paradoxal, il est également celui qui montre la possibilité de l’espoir absolu, celui de la rédemption par l’amour. Cette perspective mystique apparaît lisiblement dans une pièce où Dieu est présent en continu, de l’église de la première scène au cimetière de la fin, en passant par l’épisode de la confession virtuelle sur Internet. On comprend donc que l’avenir de l’humanité tient dans la fragile lumière mystique de l’amour total et que si le monde entend être sauvé, c’est à partir de là qu’il doit commencer sa quête.

Le texte de Frédéric Sabrou est servi avec talent par des comédiens vibrants, mis en scène par Virginie Dupressoir qui a su jouer de leur tension et de leur talent. Isabelle Hétier campe une Nika émouvante et farouche qui se débat dignement dans les affres d’une existence vacillante, avec un sens du pathétique qui ne sombre jamais dans le ridicule. Annie Milon incarne à merveille le cynisme de Jade, c’est-à-dire ce ricanement des âmes tremblantes qui n’ont comme seul masque et seule protection que le mépris. Sa voix de velours sait parfaitement exprimer cette volonté de paraître indifférent propre à ceux qui ont souffert. Bruno Dubois illumine un Jérémie écorché et perdu avec une fièvre et une puissance fascinantes. Enfin, Gérard Darman passe du registre de la comédie à celui de la tragédie et parvient à provoquer le rire et les larmes avec le même art.

Pour toutes ces raisons, les banquettes du Théâtre du Nord-Ouest méritent qu’on aille s’y installer un soir, afin d’aller voir les Albatros y jouer la passion, ce creuset où se mêlent toujours la souffrance et l’espoir.

Les photos

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Extraits Vidéo

Liens

Le texte

La théorie du moineau aux éditions de l'Avant Scène




Volume n°1087 aux éditions L’Avant Scène

Distribution : 2 hommes - 2 femmes - Durée : 1h20

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